Auteurs d’une autre qualité que ceux évoqués précédemment, Chantal Thomas et John Le Carré, ont aussi raconté leur vie et la vie des autres.

Pour la première, son enfance et celle de sa mère,  femme fantasque et sans doute dépressive , en tout  cas inadaptée à une vie classique d’épouse, de mere et aux contraintes quotidiennes en général.  Là où d’autres auteures se seraient plaintes, auraient fait un texte à charge et (mélo) dramatique, Chantal Thomas a écrit un « roman » aérien , d’une écriture fine jamais dans l’excès (de sécheresse comme Annie Ernaux, ni de fioritures ou de lyrisme).  Son texte distille, sinon de la compassion, du moins de la compréhension pour cette femme qui n’a jamais été heureuse et à qui elle ne reproche rien. Au contraire, elle a dit que cette enfance particulière ne l’avait contrainte à  rien plus tard. Elle y parle de Versailles où j’ai lontemps vécu, puis de Lyon et Arcachon. L’épisode du bain de Jackie dans le Grand Canal est à la fois spectaculaire et improbable.  En tout cas, je n’aurais jamais mis un pied dans cette eau sombre qui, en été, pouvait sentir le marécage.
20190826_183924
Elle raconte « les enfants de la plage », ceux qui vivent à l’année au bord de la mer, et les « enfants venus d’ailleurs « , inévitablement « très blancs », avec leurs « chaussures de train » – que j’adore cette expression! Et cette manière de parler du crawl, ce « ramper ».

photo telerama.fr
photo telerama.fr

Puis sa mère,  veuve très jeune, sombre peu à peu. La marquise de Sévigné, et sa célèbre correspondance avec sa fille, la comtesse de Grignan, apparaissent en contrepoint des cartes postales un peu bâclées que Jackie écrit à sa fille partie aux États-Unis. Les retrouvailles viennent plus tard entre une dame âgée et qui perd la tête et une femme qui l’aime.

John Le Carré retrace sur un ton assez léger en somme quelques grands moments de sa vie. Peu de choses sur sa vie privée. Son enfance fut difficile : sa mère  a déserté le foyer en le laissant avec un père menteur et escroc professionnel. Il ne l’a revue que quand il avait la vingtaine.  « Ce n’est pas l’espionnage qui m’a initié au secret. La tromperie et l’esquive avaient été les armes indispensables de mon enfance ». Ses romans lui ont ouvert une célébrité mondiale et valu des rencontres passionnantes et étonnantes, notamment en Russsie, avec deux chefs des services secrets, des patrons de mafias, des dissidents sous surveillance…..  Déjeuner à la table de Margaret Thatcher, accompagner des jeunes Allemands prometteurs (ce sont les années 1960 et Le Carré est alors en poste à Bonn) dans une « maison » de « cours de français  » à Londres tard dans la nuit, se rendre au Liban, en république du Congo, en URSS pour rencontrer des journalistes ou des auteurs ou des personnes qui pourront étayer ses romans à venir, voilà son quotidien.
20190825_114115
A lire ses souvenirs on a envie de se replonger dans son oeuvre qui finalement parle aussi de lui. Il y a quelques années, j’ai lu d’une traite tous ses romans de la période de la guerre froide. La mise en place de l’intrigue comme la complexité des personnages m’avaient passionnée.  Aucune adaptation cinématographique n’est à la hauteur.

Ces ouvrages sont des coudées, des toises et des kilomètres au-dessus des  médiocres règlements de comptes de Emilie Frèche…… ou de Yann Moix.

Chantal Thomas. Souvenirs de la marée basse. Seuil. 2017
La critique de Télérama

John Le Carré.  Le tunnel aux pigeons, histoires de ma vie (The Pigeon Tunnel. Stories from My Life), traduit par Isabelle Perrin. Seuil, 2016
Critique de la République des livres

Photos prises à Trouville sur Mer et livres empruntés à la bibliothèque municipale