Sauvage (film de Camille Vidal-Naquet) / La nuit vient (roman de John Rechy)
Sauvage, film de Camille Vidal-Naquet que j’ai vu l’année dernière et La nuit vient (The Coming of the Night, 1999. 2001 chez Balland) roman de John Rechy que je lis en ce moment, suite à un article de Vanity Fair, parlent plus ou moins de la même chose : les amours entre hommes et la prostitution masculine.
Léo, joué par le très beau et passionné Félix Maritaud, se prostitue dans les allées d’un bois parisien. SDF, sans famille, il fume du crack pour tenir le coup et s’accroche à un de ses voisins d’allée, Ahd (Eric Bernard), qui est lui très détaché par rapport à sa pratique et prétend être homosexuel uniquement pour l’argent. On suit quelques semaines de la vie de ce jeune homme déraciné, dont on ne sait rien et qui ne parle jamais de lui, ni à ses clients, ni au médecin qu’il consulte, ni même à l’homme plus âgé qui le recueille, l’héberge, le remet en forme. Léo semble sinon être attiré par le gouffre de la perdition et l’abîme de l’humiliation -ce serait une vision trop romantique et trop intellectualisée de son vécu – que mu par une sorte d’indifférence à son sort doublée, paradoxalement, d’une recherche d’affection et de tendresse. Affection et tendresse que, pourtant, il n’arrive pas à accepter quand elles arrivent dans sa vie. C’est un film très dur, très réaliste, tourné presque comme un documentaire.
La scène avec le couple de garçons est particulièrement violente.
Humilié, rabaissé, Léo ne peut même pas se défendre face à ses « clients ». On est bien loin de la vision romancée que donnait La dérobade (film de Daniel Duval avec Miou Miou en 1979, sans parler de Pretty Woman de Garry Marshall avec Richard Gere et Julia Roberts).
Pas de mac pour protéger ces prostitués.
La seule issue semble être de trouver un « vieux », un Sugar Daddy comme disent les Américains, pour enfin quitter la rue.
Les critiques avaient été partagées. C’est un film qui pourrait presque être un documentaire : tragique et réaliste.
Mais que peuvent devenir ces jeunes prostitués quand ils vieillissent?
La question de l’âge est au coeur du roman La nuit vient de John Rechy.
Rechy, 87 ans aujourd’hui, est un personnage comme seule l’Amérique sait en produire : prostitué pendant des années (jusqu’à ce qu’il ait 50 ans environ), romancier et enseignant en faculté. Ce qui semble inimaginable en France : prostitué et enseignant dans une grande faculté….
Ses deux premiers livres, Cité de la nuit (City of Night, 1963. 1965 pour l’édition française) et Numbers (1965. 2018 pour la première édition française) sont cultes dans le milieu homosexuel. La nuit vient présente la vie de plusieurs hommes sur une seule journée, chacun à tour de rôle: du très jeune homme, fier de son corps au plus âgé qui se sent rejeté en passant par le producteur de films pornos gays. C’est à la fois déroutant, vaguement écoeurant et intéressant. Comme une description sans fards du milieu homosexuel, de ses pratiques et des états d’âme bien cachés des uns et des autres. Le culte de la jeunesse, de la performance, de la taille (la taille de ce qu’il y a en-dessous de la ceinture), le goût des pratiques extrêmes ou la recherche d’un amour romantique.
Rechy explique que ses personnages « sont à la recherche de l’espoir » et que « le porno m’intéresse en tant que c’est mystérieux, brutal, excitant ». De fait, ses personnages cherchent l’aventure, sans cesse renouvelée, mais ne gardent pas beaucoup d’illusions sur leurs vies.
A voir, à lire, si le sujet vous intéresse.
La nuit vient a été traduit par Marie Kowalski.
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Un sujet passionnant – il faut sûrement s’accrocher pour lire et voir le film. il faut être en forme…