Asghar Farhadi

« Que le passé reste là où il est », disent certains des personnages du film du réalisateur iranien, Asghar Farhadi.
« Non ! Qu’il sorte du bois et que toute la vérité soit faite ! », disent les autres.
« Qui est mort ? Qui est fâché ? C’est à cause de moi ? Je veux rentrer à la maison ! » demandent les enfants.
Voici en gros les axes de ce film ambigu et dont toutes les contorsions m’ont prodigieusement ennuyée.

Ahmad (Ali Mosaffa), Iranien, revient à Paris à la demande de son ex-femme Marie-Anne (Bérénice Béjo) pour clôturer la demande de divorce de cette dernière. Marie-Anne a un autre homme dans sa vie, ce qu’ignore ou feint d’ignorer Ahmad qui n’aurait pas lu les mails qu’elle lui a adressés. Il est beaucoup questions de mails dans ce film, lus, non lus, par la bonne ou la mauvaise personne. Astucieux

ce recours aux mails tout à fait analogues aux billets des comédies classiques, portés, dérobés, jetés (qu’on songe à Molière, Beaumarchais, Feydeau).
Arrivent sur l’écran un petit garçon, Fouad (Elyes Aguis), le fils du nouveau compagnon de Marie-Anne, Léa (Jeanne Jestin), une des deux filles de Marie-Anne, puis Samir (Tahar Rahim), le nouvel homme.

Samir/Tahar Rahim

Commencent alors des séries de séquences : cris, hystérie, la vérité est réclamée à grands cris, la vérité est dite. Retour temporaire au calme. Puis la vérité d’un tel s’avère ne pas être la bonne vérité et on recommence les cris, les exhortations, les révélations… Chacun semble sincère dans ses propos. Pour autant aucun des personnages ne s’intéresse vraiment aux autres, tous enfermés qu’ils sont dans leur boucle sentimentale.
Que veut nous dire Asghar Farhadi ? Peut-être que la jalousie est le moteur des relations humaines, que pour les hommes en tout cas, c’est ce qui marque leur attachement à l’autre. Peut-être aussi que les femmes crient beaucoup, parlent beaucoup, réclament trop de vérité au risque de perdre leur présent au profit d’un retour en force du passé (l’ultime scène du film en témoigne).
Ce qui est absolument superbe dans ce film, comme dans le Prénom, c’est le décor, l’utilisation des différents lieux. Le pavillon de banlieue (Sevran,
quartier de Freinville), délabré et en chantier, mais avec de jolis détails anciens (les ferronneries fleuries, les suspensions que va chercher Marie-Anne), le pressing où travaille Samir, le restaurant de l’ami iranien d’Ahmad, la pharmacie, le métro….

Le jardin du pavillon de Sevran pendant le tournage du film.

Le jeu buté et peu expressif de Tahar Rahim a soulevé des critiques. Pourtant il est très juste, incarnant bien les hommes encore très jeunes, qui sont un peu dépassés par la capacité des femmes à parler, à crier, à exprimer leurs sentiments, leurs doutes et leurs pensées et essaient de garder un peu de contrôle sur la vie qu’ils ont choisie (on en connait!). Tous les acteurs sont d’ailleurs plutôt bien.
Un bémol pour la jeune Pauline Burlet. Ce n’est pas qu’elle joue mal mais elle est le quasi-sosie de Marion Cotillard. Certes Cotillard (à laquelle nous avons heureusement échappé) devait jouer le rôle pris finalement par Bérénice Béjo ce qui explique le casting de la jeune actrice supposée ressembler à sa « mère », mais ça donne l’impression que le réalisateur a cherché à tout prix un clone de l’actrice française la plus recherchée aujourd’hui.

Lucie/Pauline Burlet

A voir? Oui si on aime les histoires sentimentales torturées. Oui si on veut découvrir la banlieue comme une région exotique. Non si on en a assez vu, assez entendu comme ça!