« Une brève libération ».
Voici un excellent titre.
Mais peut-être n’est-il pas de l’auteure? (ah, ça y est, je commence à être méchante). Je veux juste dire que les éditeurs ont des gens dont c’est le métier de trouver le meilleur titre qui n’est le plus souvent pas celui que l’auteur avait proposé. Ce n’est pas faire injure à l’auteure sur ce point.
D’emblée, je précise que l’avis de lecture ci-dessous ne s’adresse pas à la personne privée dont je ne connais rien mais à l’autrice, personne publique par définition.

Et j’ajoute qu’il faut reconnaître à l’autrice une piété filiale certaine, puisque c’est son deuxième livre consacré à ses parents : après son père, sa mère qu’elle évoquait déjà dans le précédent.
Le sujet est plutôt intéressant : la fille (Marie-Pierre de Cossé-Brissac, née en 1925) d’une famille aristocratique nantie, maréchaliste, antisémite et très conservatrice sur tous les plans, tombe amoureuse d’un jeune Juif, Simon Nora (1921-2006), fils du chef du service d’urologie à l’hôpital Rotschild. Malgré l’opposition de ses parents, la première finit par épouser le second (je spoile l’intrigue), a deux enfants avec lui puis, après son divorce, épouse Maurice Herzog, père de l’autrice.

N’en déplaise à certains commentaires sur un billet précédent, ce livre n’est pas meilleur que Un héros.
L’ensemble de ce texte est tantôt péniblement scolaire (la Résistance et le maquis pour les Nuls), tantôt purement anecdotique.
On a toutefois quelques aperçus intéressants de la vie de famille de Marie-Pierre, peu élevée par des parents (modèle qu’elle a elle-même reproduit avec son second mari, comme le raconte sa propre fille dans son précédent livre) volages qui la trouvent trop grosse et pas assez chic et très mondains (on croise Paul Morand, Drieu La Rochelle, Josée de Chambrun, la fille de Pierre Laval, Armand Salacrou et même Rainier de Monaco dans une scène cocasse bien rendue).
Colette parlait déjà de ces femmes – elle avait l’exemple de Missy (1863-1944), Mathilde de Morny avec qui elle a vécu quelques années- à l’enfance profondément malheureuse, livrée à des domestiques indifférents et/ou cruels et aux parents lointains et mondains.
Pourquoi l’ai-je lu?
Hé bien pour voir si Félicité Herzog avait un peu évolué dans sa manière de construire un récit et de le raconter.
Ce n’est pas vraiment le cas.
Certes, il n’est pas facile d’écrire sur une période historiquement chargée. Et on peut céder à la tentation du noir et blanc, puisqu’après coup, on sait forcément qui a fait quoi.
Les rares moments qui sonnent de manière authentique viennent probablement de conversations qu’elle a dû avoir avec sa mère (curieux tout de même de lui consacrer un livre après en avoir dit tant de mal auparavant) sur son enfance et sa jeunesse ou bien lui ont été apportés par des correspondances qu’on suppose, elles aussi, authentiques.
Mais le style… Cet abus des adjectifs….
– Des généraux au regard de braise, émaciés, exsudant le nazisme… (p.19)
– La lumière mordorée de septembre engendrait des couchers de soleil d’une confusion volcanique… (p. 27)
– Chaque matin l’air était de cristal… (p. 101)
– L’ogre nazi demandait de la chair pour ses usines… (p. 123)
– Marie-Pierre vit arriver un jeune homme aux yeux de glacier, à l’humour et aux charmes surnaturels… (p. 172)
Est-ce vraiment elle qui écrit?
Ou un (une) stagiaire de la maison d’édition?
J’espère que c’est la deuxième solution.

Mieux vaut lire Divine Jacqueline (Jacqueline de Ribes, née en 1929) par Dominique de Bona si on veut en savoir un peu plus sur les us et coutumes de l’aristocratie française, qui vit dans des hôtels particuliers, ne sait ni où sont les interrupteurs, ni où est la cuisine (cf à ce sujet, l’excellent livre de Sophie des Déserts sur Jean d’Ormesson dont j’ai parlé ici).

Par ailleurs, je redis ce que j’ai déjà dit.
Mme Herzog est bien née, dans un milieu qui a des relations, des appuis, qui sait transmettre l’élégance, la beauté et les bonnes manières. Son premier mari était un puissant homme d’affaires de presque 20 ans de plus qu’elle (un cliché en soi). Le second parait tout aussi élevé dans la hiérarchie sociale. Elle-même occupe des postes importants. Elle est chevalier de la Légion d’honneur (à quel titre?) et chevalier des Arts et Lettres (sans commentaires).

Evidemment tout cela ne l’empêche pas, j’imagine, d’avoir du coeur, de la bienveillance, de l’intelligence, le sens de la famille et je ne voudrais pas endosser ici l’habit un peu acrimonieux de notre récente prix Nobel qui écrit pour venger sa race et défile avec Mélenchon .
Il n’empêche : on est prisonnier de sa classe sociale de naissance et certaines catégories permettent mieux que d’autres de s’en sortir. C’est comme ça, qu’en gardant son nom de jeune fille (comme Constance Debré dont j’ai lu deux livres mais je pense m’arrêter là), on peut publier chez Gallimard, Grasset, Flammarion, Stock…
Si Mme Herzog lisait ce billet qu’elle aurait tout à fait le droit de mépriser, qu’elle considère encore une fois que je ne m’en prends pas à sa personne privée que je ne connais pas et dont je ne présuppose rien, mais à son oeuvre publique.
Il est peu probable que j’aie un jour l’occasion de m’entretenir avec elle car nous ne sommes pas du même milieu (même nos études diffèrent) et je me sentirais crapaud devant cette si belle créature qui doit avoir tous les codes que je n’ai pas – et je ne le dis pas pour faire bien : je n’ai pas les codes de la très haute bourgeoise, encore moins ceux de la vieille aristocratie française.
J’ai toutefois une question et une requête.
Est-elle arrivée à sortir du modèle familial pour l’éducation de ses propres enfants? Ou ont-ils eux aussi connu pensions et parents mondains donc lointains?
Ma requête est la suivante :
Il se trouve que j’ai été amenée à me plonger dans la vie et l’oeuvre d’une Résistante, largement oubliée de nos jours, malgré le rôle important qu’elle a joué. Elle n’avait pas les codes : ni les parents, ni le mari, ni la beauté ou la photogénie et son caractère rugueux ne lui a pas facilité le chemin. J’ai pour projet d’en écrire une biographie romancée. Cette période de la guerre est tellement passionnante dans toute son ambiguïté
.

Si, bienveillante comme elle l’est certainement, et encline à pardonner mes méchants écrits (dus à une probable jalousie inexprimée ou à un caractère aigri), Mme Herzog voulait bien me recommander chaleureusement à un de ses éditeurs, je lui en vouerais une reconnaissance éternelle et illimitée. Et l’ouvrage lui serait naturellement dédicacé.
Parfois il faut savoir aider ceux qu’on ne connait ni n’aime…. Ca, c’est pour le rôle de bonne fée qu’elle pourrait jouer.
Parfois il faut savoir s’en remettre à plus puissant que soi. Ca, c’est pour ma requête.

L’annonce est faite!