Brigitte, Elisabeth, Pascale et Catherine
Quatre prénoms féminins, quatre femmes qui ont plusieurs points communs.
Des livres (auto)biographiques.
Une silhouette plutôt menue.
La cinquantaine dépassée.
Une présence médiatique certaine.
Une épouse de… Brigitte Macron (née en en 1953)
Une journaliste presse écrite et télé… Elisabeth Quin (née en 1963).
Une journaliste radio et télé… Pascale Clark (également née en 1963)
Une écrivaine qui ne sort pas du sérail et qui n’en est pas moins remarquable… Catherine Poulain (née en 1960)
Deux au moins ont en commun une famille assez/très bourgeoise, les deux premières de ma liste.
Une seule a les cheveux gris et c’est Elisabeth Quin qui officie sur Arte et dans Madame Figaro.
L’été étant propice à la lecture de livres faciles à lire, c’est à cette période que je m’empare de livres de personnes connues qui racontent (ou font raconter) leur vie.
Madame la Présidente de Ava Djamshidi et Nathalie Schuck chez Plon est un livre qui est une hagiographie, parsemée de quelques piques. On a déjà tellement écrit sur Brigitte M. : son âge, son énergie, son tempérament enjoué, sa jeunesse d’esprit, le soin qu’elle porte à son allure, la grande différence d’âge avec son mari, les circonstances de leur rencontre, etc. On a vu des reportages où elle empêchait son mari de « manger des cochonneries » (sic) et où elle lui parlait parfois un peu séchement. On sait qu’il ne peut pas se passer d’elle. Qu’elle n’aime pas qu’il soit entouré de conseillères trop jolies et que l’équipe rapprochée de la première heure a essayé de la tenir à l’écart le plus possible. On sait qu’elle aime les jupes courtes, les talons hauts, la couleur bleue.
Qu’apprend-t’on de nouveau?
Peut-être que les Macron « aiment être servis. Ce sont des gens proches du peuple, mais du peuple qui les sert. Ils ont un côté Thénardier ». Ils aiment aussi, on le sait, « les premiers de cordée ».
Ailleurs les auteures s’étonnent, ou feignent de s’étonner, que Brigitte M. ne porte les vêtements que d’un seul groupe de luxe alors que les marques françaises ne manquent pas. C’est la première à cette place à se comporter ainsi. « Brigitte M. ne porte quasiment que la première marque de luxe, n’étend pas son vestiaire à d’autres créateurs ». Pourtant écrivent les auteures, le couple n’aurait pas de passion pour l’argent, ni des goûts de luxe, n’aurait pas fait de placements prudents. On les sent sceptiques sur la légende que, pourtant, elles déroulent page après page. Une volonté probable de ne pas se fâcher avec des personnes si puissantes. Un livre agréable qui fait la synthèse de ce qui a déjà été publié dans la presse.
Pascale C. et Elisabeth Q. ont commis un livre du genre autobiographique.
Elisabeth Quin en a même écrit d’autres dans ce registre, comme Tu n’es pas la fille de ta mère (Grasset, 2004).
J’ai lu son cinquième opus, La nuit se lève. La journaliste nous fait part de son double glaucome, maladie des yeux qui peut mener à la cécité. La description de ses rendez-vous médicaux est entrecoupée du récit des visites à sa mère âgée qui perd la tête. Perdre la vue est une angoisse majeure que je partage avec l’auteure puisque je suis très myope.
Son livre n’est pourtant pas aussi émouvant qu’il pourrait l’être. Un peu trop écrit, un peu trop distancié, car même si elle écrit : J’ai pris un certain plaisir à chahuter les limites de ce qui est prétendument avouable lorsque l’on est une personne vaguement médiatique, le glaucome reste une maladie « propre », pas de sang, pas de glaires, pas de liens avec des consommations excessives de produits chimiques ou d’alcool.
Un peu trop technique aussi dans la description des maux et possibles remèdes, malgré des passages de grande sincérité. Les médecins et spécialistes n’en sortent pas grandis : arrogants, brutaux. Qui a fréquenté les hôpitaux y reconnaitra le quotidien difficile du patient atteint d’une grave maladie. Et le glaucome restant une maladie peu détectée, son livre n’est pas inutile.
Pascale Clark a choisi d’appeler Mute (Flammarion, 2020. Son quatrième livre) le récit de son départ de France Inter et les mois vécus sans avoir aucune émission de radio. Elle aurait pu choisir le mot français « Muette », mais bon… Elle aussi nous parle de sa mère, des aller-retour entre l’hôpital et l’appartement, la difficulté – et le coût financier- de maintenir à flot une personne très âgée et dépendante. Elle retrace au passage sa carrière. Le résultat n’est pas tellement plus émouvant que le livre de sa consoeur. Pourtant j’aimais bien son émission sur Canal Plus : elle interviewait des acteurs, des chanteurs, sans apparaître elle-même. Juste une voix qui tombait des haut-parleurs, comme une déesse ex machina. L’anti Chapier, en somme. Son milieu professionnel a eu des mots très durs à son encontre. Elle est de retour à l’antenne sur Europe 1 depuis le mois de juin.
Au fond, cherche-t-on à être émue quand on lit ce genre de livres? Non.
Pas plus qu’on n’est réellement touchée par les posts instagram, les newsletter de telle ou telle blogueuse qui raconte sa vie, ce qu’elle mange, ce qu’elle achète, où elle va en vacances. Admettons-le. On est un peu voyeuse. Parfois on a envie de savoir comment vivent les « people », les gens (un peu, très) connus, on attend les ragots dont on se délecte.
Ces livres sont formatés pour ça aussi : pas trop gros, pas trop compliqués, pas trop mal écrits non plus, des livres de journalistes.
Catherine Poulain, c’est une autre affaire.
Le grand marin (Editions de l’Olivier, 2016. 12 prix littéraires) est le roman qui l’a fait connaitre. Récit romancé des 12 ans passés sur des bateaux de pêche dans l’Alaska, seule femme, de tout petit gabarit, au milieu d’hommes tous assez largués sur le plan personnel. Certains passages m’avaient paru artificiels et j’avais soupçonné l’éditeur d’avoir accentué l’histoire d’amour pour que ce soit plus vendeur. Mais le livre est porté par un souffle brut, celui de l’expérience douloureuse de l’exil, de la solitude, de la quasi misère et d’un travail inhumain et dangereux.
Son deuxième livre, Le coeur blanc (Editions de l’Olivier, 2018) parle des travailleurs saisonniers qui se déplacent dans le sud de la France pour les cueillettes. Monde tout aussi dur qui ne pardonne rien, ni aux étrangers, ni aux femmes. Livre âpre, « engagé » à sa manière. Elle est du côté de « ceux qui ne sont rien » (comme dirait le mari de Brigitte).
Pourquoi cette femme choisit-elle de s’abîmer ainsi dans des métiers si durs?
C’est un choix ascétique, radical, sur lequel elle ne pose pas de grands mots ou d’explications.
Ecouter Catherine Poulain parler dans des émissions littéraires, c’est être bouleversé par sa voix douce, par sa posture, par ses mains enflées de travailleuse manuelle.
Elle fait le silence autour d’elle et c’est merveilleux. Les autres auteurs présents sur le plateau semblent littéralement sidérés par la force du réel qui émane de ses propos.
Ainsi lors de son passage à la Grande librairie :
Ou ce portrait dans le Médoc.
Une femme qui écrit sur sa vie et au-delà de sa vie.
En été, on peut tout lire avec plaisir.
Mais certains écrits, on les oubliera alors que la voix de la dernière résonnera encore longtemps en nous.
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Nous nous intéressons peu à Madame Macron. Le fait que nous appartenions à la même génération n’est pas suffisant pour éveiller notre curiosité.
Nous ne connaissons pas Catherine Poulain. Quant aux deux autres, elles sont assez judicieusement réunies dans ce post car, à notre avis, elles ont en commun le même manque de naturel, un certain bonheur à s’écouter parler. Ce qui explique peut-être que leurs récits ne paraissent pas si émouvants qu’elles le souhaiteraient.
Votre point de vue est toujours pertinent. Les livres de Catherine Poulain sont à découvrir, c’est une femme émouvante.