« L’odeur »* a été présenté comme le successeur du célèbre livre « Le Parfum » de Patrick Süskind ce qu’il n’est pas vraiment. Toutefois ce premier roman d’une romancière née à Delhi en 1970, développe une intrigue intrigante et curieusement ficelée.
Lîla est une jeune Indienne élevée en Afrique à Nairobi. Suite à des émeutes, le magasin familial est brûlé, son père disparaît dans l’incendie. La mère de Lîla décide de partir vivre chez son frère près de Londres avec ses deux jeunes fils et expédie sa fille en France chez un oncle en banlieue parisienne. Confrontée à l’épouse hostile de son oncle, oubliée par sa mère, Lîla commence à travailler dans l’épicerie de son oncle porte de la Chapelle. Grâce à Lotti, jeune Indienne parfaitement intégrée, elle commence à apprendre le français et rencontre Maeve, moitié mannequin, moitié courtisane qui l’héberge quelques mois après qu’elle a été mise dehors par sa tante. Cette grande blonde pulpeuse la fait embaucher comme fille au pair chez les Baleine, Bruno et Catherine. Lîla commence une liaison avec Bruno, créateur de spots publicitaires, « des cheveux longs coiffés mode et une peau tirant sur le jaune », puis

elle s’installe chez Philippe Lavelle, homme énorme et méprisant, propriétaire d’une épicerie de luxe, mélange du Bon Marché et de Harrods, « un éternel affamé qui dévore tout ce qu’il rencontre sans y goûter, la bouffe, le vin, les femmes ». Cette relation ne se terminera pas mieux que la précédente.

Les hésitations de l’héroïne, ses alternances d’apathie et d’entrain, sont ce qui caractérise ce roman bien plus que les odeurs qui semblent être une piste partiellement exploitée. L’auteur dessine le portrait d’une jeune fille, dotée d’un caractère à la fois indépendant et soumis, séducteur et boudeur, qui se jette dans les bras d’hommes attirés par sa beauté et son exotisme et qu’elle croit aimer tout en les utilisant pour rester à flots. A plusieurs reprises, le lecteur pense que Lîla va saisir des opportunités et devenir une cuisinière hors pair ou une mannequin ou attirer un homme riche qui l’épousera mais il n’y a jamais de happy end et les aventures de la jeune Indienne se poursuivent sans répit.

Radhika Jha présentant son dernier livre, « Des lanternes attachées à leurs cornes »

Les critiques (ici ou ici par exemple) n’ont pas été très bonnes, c’est pourtant un roman qui ne manque pas d’intérêt dans cette description de milieux bien différents les uns des autres. Les odeurs ne sont qu’une petite partie de l’ensemble. Celle de Bruno, l’homme marié, « le goût métallique et fort de ses aisselles, l’odeur de bacon de son sexe, la senteur de lait de son cuir chevelu », celle de Philippe, le glouton, « sucre, viande et beurre, une odeur de saucisson », celle de Latha, la femme obèse de son oncle, jalouse de la jeunesse et de la beauté de sa nièce, « effluves d’huile de moutarde et de talc bon marché qui la faisait paraître trop volumineuse pour la pièce ». Ou la nouvelle odeur de Lîla, celle qu’elle est la seule à sentir, « une sombre odeur de fauve, trop forte pour être civilisée, trop puissante pour être dissimulée ».

 *Smell, paru en Inde en 1999, traduit de l’anglais aux éditions Philippe Picquier en 2002.
Depuis Radhika Jha a écrit deux livres de nouvelles : « Le Cuisinier, la belle et les dormeurs » et « l’Eléphant et la Maruti » et un roman : « Des lanternes attachées à leurs cornes ». Elle a étudié à Chicago et Paris et vit au Japon. « L’ odeur » a reçu en 2002 le prix Guerlain.