Un film italien et un premier film chinois, tous les deux à l’ambiance sombre, tournés dans des endroits pauvres, presque comme des documentaires et avec des acteurs au jeu réaliste.
Dogman de Matteo Garrone qui a réalisé Gomorra  suit le quotidien de Marcello (Marcello Fonte, prix d’interprétation à Cannes cette année), toiletteur pour chiens dans un quartier délabré d’une marina proche de Naples et occasionnellement petit dealer. Père divorcé, il adore sa fille avec qui il va régulièrement faire de la plongée. Le film alterne des moments de calme et de grande douceur avec des épisodes ultra-violents quand Marcello reçoit les visites de Simoncino, surnommé Simone (Edoardo Pesce, absolument formidable parce qu’on ne peut même pas l’imaginer autrement que dans ce rôle), brute épaisse, cocaïnomane, plus grand et plus fort que tous les commerçants qu’il rackette et terrorise.
Le minuscule Marcello ne peut pas résister à Simone, non seulement parce qu’il n’est pas taillé pour mais aussi parce qu’ils sont du même quartier, qu’ils se connaissent depuis toujours et qu’il espère toujours que ce voyou lui sera reconnaissant de ce qu’il fait pour lui.
Ce mélange de peur et de familiarité fait comprendre le piège dans lequel Marcello est enfermé et dont il ne peut pas sortir, même s’il doit faire de la prison à la place de son « ami ».
Garrone filme des grands ciels froids et gris, des hommes frustes vêtus de blousons chatoyants, comme Ryan Gosling dans Drive de Nicolas Winding Refn, et enfermés dans ce quartier dont ils ne sortiront pas.
Je précise pour les âmes sensibles qu’aucun chien n’est torturé, battu, tué dans ce film!

Photo humanite.fr
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Une pluie sans fin est le premier film du réalisateur chinois Dong Yue, il a eu le grand prix du festival de film policier de Beaune. Il pleut effectivement tout le temps dans ce film ce qui confère une étrangeté supplémentaire à l’enquête policière, les protagonistes ayant le même imper à capuche. Situé en 1997, puis 2008, dans le sud de la Chine, il met en scène le chef de la sécurité d’ une aciérie, Yu Guowei (Yu, l’inutile, joué par Duan Yihong), qui se lance dans une enquête parallèle à celle de la police  pour retrouver l’assassin de jeunes femmes. Mais le film ne tourne pas seulement autour de cette enquête. Au début du film, Yu est fier de son métier qu’il exerce avec zèle et avec talent – il a le « don » pour repérer les voleurs à la sortie de l’usine. Dans une scène spectaculaire, filmée à l’usine, il reçoit une médaille lors d’une cérémonie officielle face à tous les ouvriers, tous habillés en gris, masse laborieuse à qui les patrons assènent de beaux discours pour les motiver.
Cette fierté lui donne de l’assurance qui se délite au fur et à mesure. Porté par l’espoir de progresser, il fait la connaissance d’une jeune femme, probablement prostituée à qui il offre un petit salon de coiffure. Brutalement licencié, il a tout le temps, trop de temps, pour assouvir son obsession : trouver l’assassin, rêvant sans doute que cette victoire lui vaudra d’être embauché dans la police. Les personnages parlent peu d’eux-mêmes, de leurs espoirs déçus.
Cette Chine brutale pour les hommes et les femmes est filmée sans concession.
On retrouve les mêmes ciels gris et vides déjà vus dans Dogman.
Malgré quelques longueurs, ces deux films se regardent comme des tranches de vie et une plongée  dans des univers sans pieté où il faut trouver le moyen de se faire une place à tout prix. Ils n’expliquent pas grand-chose, on n’est pas dans le cinéma américain! Il faut donc se laisser porter sans chercher à tout comprendre.

Dasola en a parlé  ici et ici.