Encore ce week-end (jusqu’au premier juillet) pour aller voir « Degas et le nu » au musée d’Orsay (Paris)*. Depuis la magnifique rétrospective de 1988 à Paris (je me rappelle être allée la voir le dernier jour, les salles étaient absolument vides), aucune exposition n’avait été consacrée à ce peintre souvent plus connu et plus apprécié pour ses peintures et sculptures de petits rats de l’Opéra.

(Hilaire Germain) Edgar Degas (1834-1917) est un Parisien du quartier « la Nouvelle Athènes », dans le futur 9e arrondissement, ainsi nommé en raison du grand nombre d’artistes qui y vivent. Il est l’ainé de 5 enfants dont la mère meurt quand Edgar a 13 ans. Comme tous les peintres de son époque, il étudie la peinture italienne en France et en Italie. Au début de sa carrière, on trouve beaucoup de portraits et d’autoportraits  et des tableaux d’histoire. Moins connus aujourd’hui, ces tableaux et les esquisses préparatoires sont présents dans l’exposition : « Petites filles spartiates provoquant des garçons » et l’étonnant « Scène de guerre au Moyen-Age » (1863). Même si on sent l’influence de Ingres, on perçoit déjà sur ce tableau ce que seront les nus de Degas : des corps plutôt réalistes, osseux, la fesse plate… Le sujet du tableau n’est guère réjouissant et montre des femmes mortes ou accablées par le chagrin, nues et à terre, face à des hommes à cheval et sur le point de s’enfuir. Le goût de Degas pour une mise en scène à la fois resserrée et dynamique apparaît sur ce tableau : le cavalier sur le droite est presque coupé, il enlève une femme dont on ne voit qu’une partie du corps.

15 ans plus tard,

Degas s’intéresse toujours aux femmes, en particulier aux jeunes danseuses de l’Opéra, croquées sur scène ou pendant les répétitions et aux femmes laborieuses des classes populaires, les blanchisseuses, celles qui travaillent pour les familles bourgeoises et les célibataires aisés comme lui.

Le corps des femmes l’intéresse toujours autant. Pas un corps idéalisé, mais un corps réaliste, abîmé par la vie. L’exposition permet de voir ou revoir les monotypes consacrés par Degas à des scènes de bordels parisiens. Le monotype est une technique de dessin sur plaque de cuivre ou zinc enduite d’encre noire et qui implique une main sûre. Le trait est rapide, le dessin narquois. Degas s’attache aux petites histoires de ces lieux clos, aux petits évènements : l’arrivée d’un client, une fête pour la mère maquerelle, les femmes qui parlent ensemble, le moment du lever. Dans le salon où elles attendent le client, toutes ou presque sont représentées nues ce qui ne semble pas correspondre aux habitudes de l’époque et marque plutôt la liberté de l’artiste. La technique du monotype ne pouvait être faite sur place. Degas faisait-il des croquis? Possible… La famille a certainement jeté beaucoup de dessins qu’elle considérait comme pornographiques.  Ces femmes qui ne sont pas très jolies mais souriantes ont un corps avachi, épais, au ventre gonflé. Les cheveux sont longs, souvent détachés alors que les femmes du beau monde les portaient attachés en chignon.

Les femmes se lavant, peignant leurs longs cheveux ou prenant un bain est un sujet que Degas aborde également en abondance vers la fin de sa vie. Sa vue a baissé assez tôt ce qui pourrait expliquer les couleurs vives des dernières peintures. Les tons plus neutres qu’il utilisait avant lui étaient peut-être moins perceptibles. Ne serait-ce que pour cette fabuleuse sculpture, « le Tub », il faut aller à l’exposition : le visiteur surplombe cette silhouette juvénile et souriante qui jouit pleinement de ce moment de détente.

A Albi**, le musée Toulouse-Lautrec vient de rouvrir après 10 ans de travaux. Henri de Toulouse-Lautrec a aussi peint les maisons closes et les prostituées. Si vous y allez, regardez bien : la plupart de ses œuvres parisiennes sont peintes sur des cartons. Le peintre ayant très peu de ressources n’achetait pas de toiles mais récupérait des cartons dans la rue sur lesquels il peignait à l’huile mais avec une matière très allégée pour ne pas détremper le support. D’où ce trait léger qui réduit les silhouettes à l’essentiel.


* Fermé le lundi. 9h30-18h les autres jours. 9 et 6,50 euros.

** Jours et horaires d’ouverture différents selon les mois de l’année. 10 et 8 euros.

Article publié sous une forme abrégée sur le site So Busy Girls.