Les biographies, c’est comme les bonbons.
Parfois c’est bon, très très bon même.
Parfois c’est fadasse.
L’été permet de ne pas s’agacer dans le second cas et de se réjouir dans le premier.

Michèle, c’est Michèle Marchand, dite « Mimi », qu’on a découverte avec l’élection de l’actuel président de la république.
Anne, c’est Anne Pingeot. L’amie de coeur d’un précédent président de la république et la mère de la seule fille de ce dernier.
L’une et l’autre ont un président en commun, je le découvre en écrivant ces lignes – car tout n’est pas prémédité dans l’écriture d’un billet, on prend ce qu’on a sous la main…
Pas le même bien sûr. Mais tout de même….
Des hommes à la vie privée atypique, voire secrète. Au parcours particulier. Avec des goûts littéraires affirmés et revendiqués.
Autre point commun que je découvre en rédigeant ce billet. Les auteurs des biographies « non autorisées » de ces deux dames ont essuyé des menaces plus ou moins voilées une fois leur projet connu. Ecrire sur des personnes, encore en vie, qui ont fait du secret et de la dissimulation le corset de leur vie, amène à ce genre d’inconvénients.
Enfin, elles ont presque le même âge. 72 et 76 respectivement.
Ce qui les différencie : leur origine sociale, la première vient de la grande bourgeoise industrielle de province, les parents de la seconde étaient coiffeurs en banlieue parisienne.
D’une certaine manière, et sans que j’aie prémédité ce rapprochement, Michèle et Anne sont de quasi-soeurs (comme on dirait en Afrique où la notion de fratrie est assez élargie).

David Le Bailly a publié chez Stock La captive de Mitterrand (2014).
Le livre est sorti avant la publication des Lettres à Anne chez Gallimard.

Les lettres à François ne risquent pas de sortir, Danielle Mitterand les ayant détruites comme le raconte le livre : j’ai retrouvé une boite avec les lettres de la Pingeot et je les ai brûlées, aurait-elle dit à un de ses fils.
Au fait, pourquoi cette femme si secrète a-t-elle voulu publier ces lettres? La volonté de contrôler les choses et la mise en ordre. On (l’institut François Mitterrand) le lui a demandé aussi.  Explications par l’intéressée ici. A trois ans près, David Le Bailly aurait eu de quoi conjecturer et quelques éclaircissements aussi sur cette longue relation. Jean-Noël Jeanneney a aussi publié ses entretiens avec elle (Il savait que je gardais tout, Gallimard, 2018).
L’auteur a fait avec pas grand-chose car peu de gens ont accepté de lui répondre. La reconstitution d’une jeunesse studieuse, et d’une bande d’amies, puis cette relation, la naissance d’une fille. Par petites touches, les quelques « avantages » tirés de cette relation : l’ami Grossouvre qui prête l’argent pour acheter des appartements, la carrière au musée d’Orsay faite sans piston apparent mais sans contradicteurs non plus.

Livres hebdo
Livres hebdo

On découvre qu’Anne Pingeot a parfois mené la vie dure à son vieil amant, crises de jalousies, menaces de rupture pour reprendre sa vie en mains, refus de répondre au téléphone. Mais aussi qu’elle a finalement toujours été présente, jusqu’à la fin.

Pas davantage de photos dans Mimi, publié chez Grasset & Fasquelle en 2018 mais trois auteurs : Jean-Michel Décugis, Pauline Guéna, Marc Leplongeon.
Il fallait bien trois journalistes pour venir à bout de cette personnalité, de ce personnage hors de l’ordinaire.Sur le bandeau qui accompagne le livre, on voit la photo qui a fait scandale : Michèle Marchand,  faisant des deux bras levés en l’air le signe de la victoire, debout derrière le bureau du (nouveau) président de la république. Elle n’aurait pas osé s’asseoir sur le fauteuil. Ou en tout cas, la photo n’a pas fuité, pas tout de suite.

A l'Elysée. Le Point.
A l’Elysée. Le Point.

Michèle Marchand, reine du scoop, scoop crapuleux ou scoop arrangé avec les personnes photographiées à l’insu de leur plein gré, a connu de nombreuses vies et plusieurs passages en prison. Cette biographie à trois plumes laisse pantois : un culot, un total manque de scrupules, évidemment nécessaires pour vivre et survivre dans le monde qu’elle a très longtemps fréquenté, celui des boites de nuit indissociable de celui des voyous, petits et grands, une capacité hors normes à se refaire, à changer de vie.
Très tôt, pas encore majeure (la majorité est à 21 ans à l’époque), elle se marie, est mère d’un garçon, puis d’une fille. Puis elle quitte vie ordinaire et mari pour prendre la gérance d’un garage ouvert la nuit. Début des rencontres des gens qui ne vivent que la nuit : vedettes, fêtards fortunés, voyous…..
Après un passage aux Etats-Unis, la création d’une revue consacrée aux armes, la reprise de boites de nuit -le plus souvent sans apport de fonds propres- et quelques incarcérations et deux autres maris, elle flaire le business des photos volées ou non des peoples, qu’ils soient des hommes ou, plus rarement des femmes, politiques, des acteurs, des chanteurs, des personnalités de la télévision et se lance en 1996. Scoops crapuleux ou consentis, elle continue ses méthodes : se faire des amis grâce à des petites attentions et tenir à distance les ennemis par la menace et les protections gardées de ses années proches de la voyoucratie. Jusqu’à finalement orchestrer avec brio le fabuleux récit de l’histoire d’amour entre un futur président de la république et sa femme, qui a l’âge d’être sa mère, puis « améliorer » les photos de l’épouse….

Ladepeche.fr
Ladepeche.fr

Pour elle, qui avait déjà suivi le(s) couple(s) Sarkozy, qui, d’ailleurs n’a pas trop apprécié qu’elle soutienne un autre bord politique, rien de plus facile.
Une biographie qui se lit d’un trait tant le personnage dépasse toutes les bornes. Par exemple, il révèle que le fils d’un milliardaire français, notamment lié à la presse, a été jugé et condamné pour une sombre affaire de pédopornographie sur le Dark Web (les noms sont cités en toutes lettres dans le livre), affaire jamais sortie dans la grande presse grâce aux bons services de Mme Marchand.

La principale intéressée a quant à elle dénoncé le livre comme étant une « pourriture », une « entreprise de démolition », rempli de mensonges.