Félicité (pauvre petite fille riche) Herzog
« Un héros » (roman ?)

Maurice Herzog en 1950, les doigts gelés.

Il paraît que c’est très difficile d’avoir comme père Maurice Herzog (1919-2012) et comme mère Marie-Pierre de Cossé-Brissac (née en 1925). Le père, l’aventurier, le montagnard vainqueur de l’Anapurna en 1950, le Gaulliste, le maire (de Chamonix), le député, l’homme à femmes, le mari infidèle, le père absent. La mère, issue d’une ancienne famille, allliée aux Schneider, les industriels du Creusot (Marie Zélie Antoinette Eugénie, dite May, Schneider a épousé en 1924 Pierre de Cossé-Brissac), l’agrégée de philosophie, l’épouse, en janvier 1947, de Simon Nora malgré l’hostilité de ses parents, Nora dont elle a deux enfants et de qui elle divorce en 1955. En 1964, à 39 ans, elle épouse Maurice Herzog qui lui a été présenté par sa mère. Ils ont un fils, Laurent en 1965, et une fille Félicité en 1968.

Mariage de Maurice Herzog et de Marie-Pierre de Cossé-Brissac, 1964

Ce sont les premiers chapitres du livre paru chez Grasset il y a quelques mois.
Ensuite Mme Herzog nous parle de la fameuse ascension de l’Anapurna, de l’arrangement supposé de la vérité par celui qui va devenir un héros national. Puis de l’état mental de son frère, violent et renfermé. Des amants
de sa mère (« Ma mère, perdue dans l’écriture d’une thèse de philosophie et dans des aventures amoureuses aussi nombreuses que sans lendemain, ne nous voyait pas »). De la vie sexuelle libre et affichée de ses deux parents. De ses grands-parents, dits « Les Parents », aux « bras couverts de montres ultra-chics », de leurs châteaux, celui de la région parisienne et celui du Cher, avec leurs têtes de cerf empaillés. De sa pratique intensive du sport («Le corps devenait l’outil démultiplicateur de nos rêves, des projections les plus audacieuses dans l’espace. […] Mon dos, de plus en plus élancé et galbé, tendait à ressembler à celui d’un jeune samouraï »). Et enfin de la folie déclarée de son frère pendant qu’elle part aux Etats-Unis, faisant à sa place la carrière qu’il aurait dû faire. De ce livre, la presse a retenu le comportement volage, constamment à la recherche de nouvelles femmes à conquérir, de Maurice Herzog. Mais Félicité Herzog ne dit pas autre chose de sa propre mère. Des parents narcissiques, uniquement préoccupés de plaire, indifférents à l’éducation au jour le jour de leurs enfants, préférant asséner sporadiquement sermons et leçons de philosophie. La presse s’est également régalée de l’exotisme des origines aristocratiques de la narratrice et des opinions des grands-parents qui n’étaient pas du bon côté politique (ça n’est pas sans rappeler l’histoire de la fille unique de Liliane Bettencourt ou les récits d’Alexandre Jardin).
Certes il n’est sans doute pas simple d’avoir pour père un héros national. Pas plus que d’avoir pour mère une aristocrate, très attachée finalement à son milieu, un temps déchue par son premier mariage, revenue en grâce bien qu’obligée de gagner sa vie, préoccupée de ses amours et de travaux intellectuels effectués, une coupe de champagne à la main. Mme Herzog, trop occupée à démolir la statue du commandeur, ne s’arrête pas sur ce point et il ne semble pas qu’on lui ait posé la question.Pour le style, il reflète le milieu et la personne: le choix d’adjectifs souvent prétentieux empilés, un phrasé ampoulé et tellement Ouest parisien, une réelle difficulté à parler autrement que par clichés. Il y a de l’émotion qui perce ici ou là mais le lecteur a l’impression que Mme Herzog ne sait pas trop quoi en faire.
Il faut bien dire qu’il est tout de même bien commode d’être la fille de cet homme et d’une Cossé-Brissac, d’avoir fait de nombreux séjours à l’étranger pour apprendre à parler l’allemand et l’anglais, d’avoir vécu dans les beaux quartiers, d’avoir été élevée dans les bonnes institutions, d’avoir les réseaux qui permettent d’entrer chez Lazard Frères à New York, banque d’affaires très fermée et où on n’entre pas à la seule faveur de ses diplômes…

Félicité Herzog.

Il est commode pour publier un livre d’avoir ce physique spectaculaire que l’on peut voir dans l’émission « la Grande librairie** », hérité de la beauté de ses parents et surtout d’avoir gardé son nom de jeune fille, Herzog, alors même qu’on a épousé un homme de 17 ans plus âgé, lui aussi dans les très hautes sphères comme l’a raconté Libération. Mme Herzog a dû souffrir, je ne le nie pas, mais elle tire une bien petite gloire à parler de vies qui ne sont pas la sienne et l’on ne comprend pas bien ce souci de revanche. Faire l’économie d’une psychanalyse peut-être ?

Editions Arthaud. Le livre qui a fait de Herzog un héros.

Finalement, il vaut mieux se retourner vers le véritable héros, Maurice Herzog, celui qui a gravi l’Anapurna, ce que personne ne lui conteste, jeter un œil à son livre, « Annapurna Premier 8000 », aux éditions Arthaud (étant en partie grenobloise, je l’avais naturellement dans ma bibliothèque), revoir ces photos où il est porté à dos d’homme vers la civilisation et les hôpitaux, les pieds et les mains rongés par les vers et revoir le film de Marcel Ichac en1953 qui retrace cette épopée en plusieurs parties (ici la 3).

Le retour à dos de porteurs (photo extraite du livre « Anapurna, premier 8000 »)

*Pour toute la généalogie de Félicité Herzog, il existe un blog : http://herbertensch.wordpress.com/

**Au début de l’émission, on voit le retour de Maurice Herzog, en 1950, d’énormes bandages aux mains et aux pieds.