Constance Debré. Playboy.
Constance Debré a 46 ans. Elle porte le patronyme de la famille de Michel, Jean-Louis et Bernard, son père étant le frère de ces derniers. Playboy, paru chez Stock, est son troisième livre. Autobiographique, elle y raconte ses liaisons avec des femmes, après un mariage hétérosexuel qui a duré 20 ans. Elle parle aussi de son fils et de sa famille, paternelle et maternelle.
Elle donne l’impression de tout prendre très au sérieux : cette découverte d’une sexualité différente, les amours passionnées et destructrices, la haine de la famille, le désir de tomber dans des abîmes plus ou moins profonds….
Elle se revendique de Guillaume Dustan, de Virginie Despentes. Elle aurait pu tout aussi bien dire Ann Scott, Cyril Collard ou Hervé Guibert. Ou encore Laure, celle qui fut la compagne de Georges Bataille. Et même Emmanuelle (pas si mal la série des « Emmanuelle« , je parle des livres évidemment).
Le problème est que ça (la famille, les amours, le mal de vivre, la transgression) a déjà été écrit de nombreuses fois.
Colette, dans Le pur et l’impur, fait une description froide et terrifiante des moeurs des grands bourgeois qu’elle côtoie.
Marcel Jouhandeau a un talent inégalé pour parler de ses jeunes amants tarifés.
Sans oublier Proust et son oeil implacable.
Constance Debré joue un peu au mec, un peu à l’affranchie, un peu à la grande bourgeoise, un peu à l’amoureuse perverse et pervertie, un peu à la fille qui crache sur son père, ses oncles, son grand-père.
Elle en fait trop.
Est-ce une transgression aujourd’hui encore que de se couper les cheveux et de se tatouer les bras pour afficher un look « butch/camionneuse »? Ou même une provocation?
Je n’en suis pas si sûre…
Les vraies transgressions sont sans doute ailleurs.
Aimer les vieux par exemple comme dans Gerontophilia, ce film merveilleux de Bruce LaBruce.
Distribuer des vêtements au Secours Populaire ou au Secours catholique.
Sourire aux gens qu’on croise sans se demander s’ils vont être choqués ou séduits, juste pour faire plaisir.
Constance Debré me fait un peu de peine pour tout dire.
Tout ça pour ça.
Pour conclure : « Le problème c’est qu’avec elles aussi c’est devenu banal. Avec elles aussi c’est juste du cul et de l’amour. Rien de nouveau. Rien qui change la vie ».
Mais ne la plaignons pas trop longtemps.
Ce livre sera un succès, l’est déjà. Il n’est d’ailleurs pas mal écrit.
Elle va crouler sous les déclarations d’amour de tous sexes et de tous genres. Toutes ces belles personnes qui lui jureront qu’avec elles, ce ne sera pas banal. Qu’avec elles la vie sera différente.
Ce livre sera un succès.
Elle pourra acheter une nouvelle Rolex – marque qu’elle semble apprécier, et quitter sa minable chambre de bonne du Quartier latin, à moins qu’elle ne la conserve pour les interviews accordées aux journalistes émoustillé(e)s par la proximité d’une Debré rebelle et éblouis par tant de dénuement volontaire.
Et puis, quand elle en aura marre de tout ça, elle pourra se demander ce dont elle a vraiment envie, juste pour elle.
Et peut-être enfin regarder le monde extérieur.
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3 Comments
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Nous ne connaissons pas le livre. Au départ, nous vous trouvons un peu sévère dans votre critique, pas tellement du livre mais de la personne. Mais vous avez sûrement raison, parfois « les filles et fils de… » en font trop !
Oui! C’est vrai! Mais elle n’aurait pas ce nom de famille, elle n’aurait sans doute pas été publiée car il n’y a rien de très original, même si c’est bien écrit (un peu à la Christine Angot).
Je serais quand même très curieuse de lire ce livre. Cette femme a un truc qui m’interpelle, peut-être son côté un peu provoc’…