Le 4ème film réalisé par Valérie Lemercier (sortie en salles le 11 décembre 2013) est certainement son meilleur et celui qui lui ressemble le plus : drôle, , fin, subtil, intelligent et émouvant.
Grâce à So Busy Girls (merci à Seb de So Busy Girls Partenariats) et à l’agence Bubbling Bulb (merci à la charmante Natacha Campana), j’ai vu en avant-première 100% cachemire au cinéma Gaumont Ambassade, avenue des Champs-Elysées.

Aleksandra (avec un k) Cohen-Lefoulon (Valérie Lemercier) est la très chic rédactrice en chef d’un magazine féminin qui ressemble furieusement à Elle. Son mari, Cyrille Cohen (Gilles Lellouche), flanqué d’une mère envahissante et d’une jeune soeur jalouse, est un galeriste en vue. Ils vivent rue de Bellechasse, dans le 7ème arrondissement de Paris, l’un des plus chers, dans un bel appartement rempli d’objets d’art. Une fois les personnages campés, on les retrouve à l’aéroport, au milieu d’autres couples attendant l’arrivée des petits Russes.  Car Aleksandra et  Cyrille adoptent un petit garçon russe, Alekseï (Samatin Pendev, parfait), âgé de 7 ans.
Le ton est d’emblée moqueur. Aleksandra a tout d’une pintade snob qui promène sa longue (1,77m) et maigre silhouette, élégantissime au milieu de ses collaborateurs dont l’impayable Marina Foïs. Son mari aime montrer ses pectoraux et abdominaux bien entretenus (Gilles Lellouche est hyper-sexy, on ne l’a jamais vu aussi beau! Lemercier dit de lui : « c’est un acteur solaire, viril, touchant, le mari idéal* »). Leur couple fonctionne sur un contraste bien rôdé : elle joue le rôle de l’épouse bourgeoise, bien élevée et modérée en tout. Lui surjoue le personnage du malotru issu d’une bruyante famille juive. Ni l’un, ni l’autre ne sont prêts à jouer un autre rôle, celui de parents.


L’arrivée de ce petit garçon, buté et malheureux, va bousculer l’ordre établi, au point qu’Aleksandra commettra l’irréparable: s’en débarrasser sans le dire à son mari.

Très drôle au début, le film change de registre après

l’arrivée du petit Alekseï (« on nous donne le plus moche » s’exclame Aleksandra), auquel personne ne semble vraiment prêter attention et qui en est réduit à tout casser pour se faire remarquer. Sans en avoir l’air, Valérie Lemercier instille le doute sur le comique des situations. On ne pleure pas, mais on sent bien que rien ne tourne rond: la nourrice (surprenante Chantal Ladesous) qui ne parle pas un mot de russe contrairement à ce qu’elle a prétendu, repousse l’enfant pour avoir le temps de renifler les sous-vêtements de Cyrille dont elle est tombée amoureuse, Cannelle (Lucie Desclozeaux), la soeur de Cyrille, qui s’apprête à passer son bac pour la 4e fois, Eliette (Nanou Garcia), la mère de Cyrille et Cannelle qui n’a d’amour que pour son fils, les collaborateurs d’Aleksandra à l’affût de ses moindres erreurs et prêts à prendre sa place, l’agence d’adoption qui préfère les futurs parents qui ont les moyens de payer tarif triple…

Valérie Lemercier enchaîne les scènes cocasses sans jamais s’appesantir jusqu’à ce qu’on réalise qu’elle parle en souriant de choses sérieuses : l’amour qu’on se porte dans un couple, la place qu’on laisse aux autres, comment on peut accueilllir un enfant déjà grand dans une vie hyper-remplie.
Partie d’un fait réel (une Américaine a remis dans un avion pour la Russie le garçon de 7 ans qu’elle avait adopté parce qu’elle ne le supportait plus), Valérie Lemercier l’a déplacé dans le milieu de la mode – elle nous offre un vrai défilé de Jean-Paul Gaultier!-, « monde fondé sur les apparences* » où tout doit être sous contrôle, pour raconter finalement comment ce couple superficiel, mondain et égoïste, mais attaché l’un à l’autre, sort de sa bulle pour se pencher sur les besoins de cet enfant mutique et un peu violent.

Ce film lui ressemble tout à fait et rejoint la définition qu’elle donne d’un film parfait : » un film à la fois très personnel, drôle, émouvant »**. On sent bien qu’elle y a mis beaucoup d’elle et comme pour « Un château en Italie« , sans que ce soit une oeuvre autobiographique, on y trouve des allusions à sa vie. Depuis quelques années, la réalisatrice vit avec un compagnon doté lui-même d’un fils qui avait 7 ans au début de leur relation. L’arrivée d’un enfant dans la vie d’une femme qui n’a pas voulu se marier avec celui avec qui elle vivait depuis 11ans (Bertrand Burgalat) parce qu’elle ne s’imaginait pas « acheter des yaours par douze pour tous ses enfants » (Psychologie Magazine, mars 2007) n’a pas dû se faire si facilement que ça.  Son précédent compagnon, l’avocat Hervé Temime, a quelques points communs avec l’homme joué par Gilles Lellouche : « égocentrique, excessif, parfois volcanique », dandy, amateur d’art contemporain, « bigger than life » comme disent les Américains. Et elle doit être amoureuse follement de son compagnon actuel pour mettre sous nos yeux ce couple qui s’aime par-delà les infidélités et les différences. Il y aurait encore bien des choses à dire sur Valérie Lemercier mais laissons son film parler pour elle!

 

Valérie Lemercier a réalisé  Quadrille (1997), Le Derrière (1999), Palais Royal! (2005).
Elle a enregistré un album « Valérie Lemercier chante » sur le label Tricatel de son compagnon de l’époque, Bertrand Burgalat.

Il faut absolument la voir sur scène!

*Interview de Valérie Lemercier par Claire Vassé (dossier de presse).
** Interview pour le magazine Psychologies, juin 2012