Le titre du film « Under The Skin » (sous la peau) de Jonathan Glazer est à prendre au pied de la lettre. On le découvrira vers la fin de ce film étrange et passionnant.
Lent, déconcertant, énigmatique, « Under The Skin » repose sur un scénario répétitif, mais brisé de manière inattendue à plusieurs reprises. Le rôle principal est magistralement interprêté par Scarlett Johansson qui démontre dans ce film, comme elle l’avait fait dans « Don Jon » par exemple, (de et avec Joseph Gordon-Levitt), qu’elle peut être une actrice remarquable. Alors que dans les films à très gros budget, du type « The Avengers« , elle a un jeu inexpressif, voire exécrable.


Johansson interprête une fille brune avec un rouge à lèvres très rouge, tantôt impassible, tantôt souriante, selon les circonstances, qui arpente Glasgow (Ecosse) et ses alentours dans une camionnette. Sous prétexte de chercher son chemin, elle essaie de faire monter des hommes après s’être assurée qu’ils sont sans attaches. Parfois, un mystérieux motard


passe derrière la jeune femme comme pour nettoyer ses traces. Le même motard qui repêche au début du film une noyée pour que la fille sans nom puisse prendre ses vêtements lors d’une scène, filmée dans un espace totalement blanc comme un laboratoire, où Scarlett Johansson est nue comme un clin d’oeil à l’apparition-culte de Schwarzenegger dans le premier Terminator. Jamais on ne voit ce motard et cette femme ensemble. Jamais il ne lui parle, ne lui donne de consignes ou de conseils. Est-il à son service? Travaille-t’elle pour lui? On ne le sait pas.
Les hommes qui montent dans sa camionnette la suivent  dans une maison abandonnée. Fascinés par sa silhouette gironde qui s’éloigne lentement en se déshabillant, ils marchent sur un étrange sol, noir et brillant comme du verre ou une toile cirée dans lequel ils s’engloutissent peu à peu pendant que leur objectif continue à s’avancer.

Que se passe-t-il dans ce mystérieux lac noir? Nous le saurons lors d’une scène brutale et choquante.
Le personnage n’a pas besoin de dire qu’elle est étrangère à cette ville, à ces gens, le regard qu’elle porte sur les rues, les paysages et ces hommes le montre. Jonathan Glazer qui filme ce regard rend parfaitement ce qu’on ressent quand on est étranger dans une ville.

A la différence des  films grand public où tout est expliqué, disséqué, jamais on ne sait d’où vient cette femme, pourquoi elle joue ce jeu, ni quel est le rôle de ce motard (pygmalion, proxénète, savant fou, pervers, un peu tout ça peut-être). Finalement, cette machine bien huilée se détraque sous l’effet de sentiments inattendus.
La fin brutale et cruelle n’offre pas plus d’explications que le début.
On peut y voir beaucoup d’interprétations: que les prédateurs ne sont pas ceux que l’on croit; que les femmes manipulent les hommes par l’attrait qu’elles exercent mais qu’au final, elles restent manipulées par eux qui les utilisent pour leurs propres fins; que la bonté et l’amour sincère changent la personne qui en est la destinataire; qu’on ne connait jamais vraiment l’autre….

Si vous le voyez (en dvd par exemple), ne vous arrêtez surtout pas aux images de synthèse un peu maladroites du début qui rappellent, de manière volontaire, celles de « 2001 Odyssée de l’espace« . Prenez le temps d’entrer dans le film, de vous laisser porter. Les évènements accélèrent peu à peu jusqu’à devenir un vrai thriller. Les messieurs pourront admirer la plastique de Mlle Johansson qui se montre nue mais ce n’est pas là l’essentiel du film. Sachez aussi que toutes ces scènes avec des hommes qu’elle hèle dans les rues de Glasgow ou des passants devant qui elle tombe ont été tournées en caméra cachée. Ce ne sont pas des acteurs professionnels mais des gens pris au hasard, dont aucun n’a reconnu la célèbre actrice! Même quand ils savaient qu’ils jouaient dans un film, ils ne jouaient qu’une seule journée sans connaître l’histoire, le réalisateur ou les autres acteurs.  Quant à l’homme (Adam Pearson) qui ressemble à Elephant Man, ce n’est pas le résultat d’un maquillage sophistiqué, il est vraiment comme ça, malheureusement pour lui

Le film s’est appuyé sur un roman de Michel Faber publié en 2000 que je n’ai pas lu. Michel Faber est l’auteur du remarquable « La rose pourpre et le lys » dont j’ai déjà parlé ici. Glazer a raconté que Johansson a été contactée très tôt, dès les débuts de l’écriture du script. Avant même qu’elle n’accepte de jouer le rôle principal, elle s’était investie dans l’écriture. « Under The Skin » n’est pas sans rappeler ce film sublime et méconnu du réalisateur de Drive, Nicolas Winding Refn, « Le guerrier silencieux (Valhalla Rising) » avec Mads Mikkelsen.