Pour être très honnête, je suis allée voir ce film uniquement parce que l’affiche me plaisait- et parce que, de temps en temps, il faut bien quitter Jason Statham
Je ne savais rien de ce film, de l’histoire, des acteurs, pas même le nom du réalisateur.

Qui, dans la vie réelle, peut bien dire « Tirez la langue Mademoiselle »? Un médecin évidemment…
Dans le film, on en a deux pour le prix d’un : Boris (Cédric Kahn) et Dimitri (Laurent Stocker de la Comédie française). Bien que frères, ils ne se ressemblent pas: Boris

est grand et brun, Dimitri petit et blond. Tous deux font les consultations à domicile ensemble, partagent un même bureau dont les murs sont bleus et vivent de chaque côté d’une cour. Dimitri est un alcoolique repenti qui veille sur son frère, la secrétaire du cabinet médical est amoureuse sans espoir de Boris.
Tous deux sont célibataires, sans enfants, et traînent une mélancolie qui les fragilise.

Dimitri (Laurent Stocker) et Boris (Cédric Kahn) dans leur cabinet

Arrive dans leur vie une femme, Judith (Louise Bourgoin), La Femme, mère de famille le jour d’une petite Alice (Paula Denis) et femme fatale la nuit.
Le tout se déroule dans le 13e arrondissement de Paris, dans le quartier des Olympiades, le « Chinatown » de Paris.


« Tirez la langue Mademoiselle » est le deuxième film d’Axelle Ropert, née en 1972, scénariste et qui a déjà tourné « La Famille Wolberg » avec François Damiens et Valérie Benguigui que j’avais vu à sa sortie en 2009. Pourtant, j’ai cru pendant la projection que le film avait été fait par un homme. Par exemple, quand Judith rentre de son travail de barmaid dans un bar de nuit, elle n’a qu’un tout petit sac à main ou pas de sac du tout. Or il est invraisemblable qu’elle laisse au bar ses robes pailletées de star, son maquillage, ses chaussures… Et puis les femmes ont toujours des sacs énormes. Je me suis dit : c’est bien un oubli masculin que de ne pas donner de sac à cette fille. Ou bien cette idée que des frères puissent faire ensemble des consultations à domicile.
Mais tout simplement Axelle Ropert aime se détacher des conventions réalistes.
« Tirez la langue Mademoiselle » est un film étrange, onirique, irréaliste, lent, à la fois ennuyeux, parfois drôle et très personnel. Comme l’était déjà « La Famille Wolberg ».

Ce qu’Axelle Ropert fait très bien : filmer les lieux et utiliser les couleurs de l’univers qu’elle filme pour le rendre poétique et mystérieux..
Elle métamorphose ce parvis des Olympiades dans un chatoiement de rouge,de bleu, de vert, de néons et de « chinoiseries ».  Les murs de l’appartement de Judith sont peints de couleurs sombres avec des touches dorées. Le bleu des murs du cabinet des deux frères est un bleu franc. Petits chaperons rouges, fuyant le loup et cherchant le chasseur, Judith et Alice ont un manteau du même rouge.

Ce qu’Axelle Ropert ne fait pas très bien -mais je pense qu’elle n’y attache pas d’importance : raconter une histoire « intéressante ». Je mets des guillemets à « intéressante » parce qu’Axelle Ropert semble davantage s’intéresser à des suites de saynètes qu’au récit dans son intégralité.
Dans « Tirez la langue Mademoiselle », les acteurs ne jouent pas particulièrement bien. Les dialogues sont assez plats. Les rebondissements artificiels.
Ropert est également une critique de cinéma, on sent chez elle l’influence de Rohmer – pour le jeu faux des acteurs-, Jacques Demy – pour le sens des décors et des couleurs-, Jean-Luc Godard peut-être -pour l’absurdité des situations.

Au final, c’est un film qui construit une oeuvre originale. Axelle Ropert a son langage cinématographique. On ne peut pas tout aimer mais ses choix sont réfléchis et portés par une volonté de ne pas tout contrôler. « Les passions tristes que sont la jalousie, le ressentiment ou la manipulation ne m’intéressent pas. J’aime les personnages entiers, sans calcul, ni arrière-pensée » (interview au Monde, 3 septembre 2013).<

A noter, deux chansons du dernier album de Barbara Carlotti, dont celle-ci,  pour les scènes dans le bar. Et ici, on aime beaucoup Barbara Carlotti.