Ce premier film du jeune réalisateur américain Carlo Mirabella-Davis est à la fois effrayant et éblouissant.
Effrayant car il raconte l’enfermement d’une jeune femme dans une vie de couple apparemment idéale.
Eblouissant sur le plan formel comme sur l’enchainement narratif.
Tout commence comme un conte de fées : la très jolie et très apprêtée Hunter (Haley Bennett, remarquable comme tout le casting et qui est productrice déléguée) mène une vie oisive et aisée depuis qu’elle est mariée avec le beau Richie (Austin Stowell). Dès le début, le spectateur est enfermé avec elle dans une grande et belle maison, meublée de neuf, avec des baies vitrées qui donnent sur un beau paysage. La lumière est belle, le décor parfait, Hunter est lisse comme son environnement.
Tout est beau mais vide. Pas de voisins, pas d’amis qui passent voir Hunter qui attend toute la journée le retour de son mari. Jamais elle n’est filmée allant faire des courses ou flaner dans des rues commerçantes. Pas de femme de ménage qui l’aide ou de jardinier. Elle ne parle jamais de sa famille, de son passé.
Hunter est le plus souvent seule, comme tenue à l’écart, préservée du monde extérieur comme une princesse dans sa tour, avec ses jolies robes, un peu désuètes à la Mad Men, toujours impeccables comme son carré blond bien lisse. On apprend assez vite que cette vie bourgeoise, elle la doit entièrement à son beau-père (David Rasche), entrepreneur fortuné et homme très autoritaire. Beau-papa a payé la belle maison, emploie son fils à ses côtés et a une épouse (Elizabeth Marvel) qui vit la même vie oisive que Hunter, s’accrochant à la devise : « Fake it until you make it »/ « Fais semblant jusqu’à ce que ça marche ». Ce qui sera en gros le seul conseil qu’elle donnera à sa belle-fille dont elle semble soupçonner qu’elle n’est pas si heureuse qu’elle le prétend. Mais après tout, avoir trouvé un riche mari, n’est-ce pas suffisant?

image allocine.fr
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En somme, Hunter n’a pas de vie à elle, elle qui vient d’un milieu modeste, a fait, par son mariage, une ascension sociale et « n’aurait pas pu trouver mieux » comme le lui dit son beau-père.
Toujours docile en apparence, et alors qu’elle apprend qu’elle est enceinte (« we are pregnant » comme disent les Américains) , elle essaie de trouver quelque chose qu’elle peut contrôler. Certaines deviennent anorexiques, ou boulimiques, ou encore alcooliques. Hunter se met à avaler des choses (ce qu’on appelle le syndrôme de Pica) qu’elle trouve dans son salon: une bille en verre, des petits objets, puis des objets de plus en plus dangereux : des vis, une pile…, qu’elle régurgite ou pas.
C’est lors de la première échographie que son comportement est découvert.
Panique de son côté.
Fureur et incompréhension du beau-père.
Indulgence aimante (apparente comme on le découvrira ensuite) de la part de son mari qui lui réitère son amour.
La glace qui met à distance les sentiments qu’elle éprouve comme le passé qu’elle ne veut pas affronter se fissure peu à peu. Hunter a les joues rouges, ses cheveux ne sont plus aussi lisses et il lui arrive de tacher ses vêtements, autant de symboles d’une réalité qui reprend ses droits.
Une psychologue, choisie et imposée par la famille,  comprend assez vite la domination à laquelle est soumise la jeune femme mais cette femme est elle-même contrôlée par le beau-père qui exige que tout lui soit raconté puisqu’il paie. Le secret que Hunter lui a confié sur ses origines ne pourra pas échapper à la connaissance de la belle-famille. Hunter comprend alors qu’on ne lui accordera jamais aucune intimité, aucune indépendance, aucun sentiment propre.
Le vernis de la politesse et de l’amour craque et cette famille riche et bornée se montre tout à coup telle qu’elle est : tyrannique, méprisante, vulgaire.
Hunter ne peut pas davantage compter sur sa mère ou ses soeurs. En une seule scène, un coup de fil, on comprend dans quelle violence elle a passé son enfance.
Des contrôles sont mis en place pour que cette jeune femme reste bien dans la case qui lui a été attribuée.
Contrôles qu’elle tente de fuir par tous les moyens.
Jusqu’à ce qu’elle y arrive.

La fin est peut-être un peu trop idyllique – le pouvoir de la parole « signifiante » et celui de faire table rase d’un seul coup sont certainement surévalués en un raccourci très cinématographique- et élude beaucoup de questions, mais quelle fin donner à ce genre d’histoire à moins de sombrer dans l’horreur la plus totale?
Le réalisateur dit avoir pensé à sa propre grand-mère, très malheureuse en ménage et qui a développé des TOC au point qu’elle a subi des électrochocs.
On peut aussi penser à l’écrivaine Sylvia Plath qui s’est suicidée à 30 ans, à Virginia Woolf qui voulait « une chambre à soi » et à Lucia Berlin, écrivaine américaine dont je parlerai bientôt.
Ainsi qu’à toutes ces femmes victimes de violences psychologiques dans l’intimité de leur foyer et qui ne savent pas à qui en parler.
Le film est une coproduction franco-américaine.
A voir.