Année Proust oblige (il est mort le 18 novembre 1922 à Paris), deux musées ont consacré une exposition à l’homme à la madeleine – comme on le connait le plus souvent- : le musée d’histoire de la ville de Paris, Carnavalet, et le musée d’art et d’histoire du judaïsme (exposition en cours jusqu’au 28 août), tous deux situés dans le Marais, à quelques pas l’un de l’autre.
Celle du MAHJ, sous-titrée « du côté de la mère », est plus réussie que ne l’était celle de Carnavalet  bien qu’il y ait des points communs, naturellement. Ca tient d’abord aux espaces d’exposition. Ceux de Carnavalet sont étriqués dès qu’il y a du monde. Au MAHJ, on respire mieux. L’approche choisie par le MAHJ est plus sensible, plus près de l’écrivain, moins centrée sur la reconstitution d’un « milieu », sinon son milieu familial.
Celle de Carnavalet nous faisait revivre Paris à l’époque de Proust. Le musée Carnavalet présente dans ses collections permanentes la « chambre de Proust », son lit du moins, présent dans l’exposition.

20211230_145135Ma grand-mère paternelle dormait dans un lit analogue (le sien avait des petites boules en ivoire). Est-ce que ce lit est si extraordinaire? Non sans doute pas. Il manque de vie. C’est juste un meuble.

Des tableaux illustrent les récits que fait Proust des mondanités, comme cette « soirée » de Jean Béraud (1849-1935) : des hommes et des femmes d’un certain âge, réunis dans un grand salon ou une salle de bal, se saluent, attendent le signal de la danse
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Un Monsieur, à lorgnon et longue moustache tombante de morse, meurt d’envie de lâcher le bras de sa femme pour trouver un autre interlocuteur que celui à qui elle s’adresse, penchée en avant,

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et une jeune fille, sur la droite, se tient face au spectateur, comme si elle dévisageait son futur cavalier, les mains serrées avec détermination sur son éventail replié. Pas de chaperon à proximité, pas d’homme la guettant du regard. Elle se tient campée là. A moins qu’elle n’ait repéré une rivale portant la même robe qu’elle et retient sa colère avant d’aller la gifler avec son éventail, malgré son visage serein.

En journée, certaines femmes font de la bicyclette avant de retrouver une amie au café. La cycliste a des bottines, l’autre des petites chaussures vernies, toutes les deux un canotier. Qui a offert des fleurs à l’autre? L’ambiguïté proustienne….

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Mariano Alonso-Perez (1857-1930), Femmes au café. Vers 1900
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Louis Vert (1865-1924) vers 1903

Au jardin du Luxembourg, si vous aviez une petite faim, il suffisait de héler ce jeune pâtissier avec son plateau de gâteaux venant du salon de thé le plus proche mais qui aurait sûrement préféré faire naviguer un petit voilier sur le bassin comme les petits garçons en tenue de marin.

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Eugène Atget (1857-1927), 1898


On a pu croiser aussi une marchande de mouron à la trogne intéressante et une très jeune marchande de fleurs avenue des Gobelins (13e), avec son curieux hanarchement. Derrière elle, une fontaine Wallace et une colonne Morris, typiquement parisiennes.
Et aussi des garçons d’écurie et un garçon boucher, personnages qu’on retrouve dans « Le pur et l’impur » de Colette qui détaille avec cruauté les amours ancillaires de ses amis bien nés.

Garçons d'écurie à Neuilly, 1890
Garçons d’écurie à Neuilly, 1890

Laissons de côté les gens bien nés, les aristocrates, les soirées à habits et robes longues.
Et concluons cet aperçu de l’exposition du musée Carnavalet par la maquette (de Paul Leruth) de l’étonnant Palais du Trocadéro, construit pour l’Exposition universelle de 1878,  qui fut, en 1935, partiellement démoli et « enchemisé » côté Seine pour l’Exposition universelle de 1937 (ça évitait une destruction et une totale reconstruction, trop coûteuses).
Le Palais abritait les collections du musée des Monuments français voulu par Viollet-le-Duc et, au centre, un théâtre pompeux qui n’a jamais été mis en service, l’acoustique étant complètement défectueuse. Les sortes de minarets qui le surmontaient ont fait l’objet de nombreux quolibets. Le musée s’étirait sur les deux ailes (toujours visibles aujourd’hui, mais séparées par l’esplanade, qui abritent la Cité de l’architecture et du patrimoine, le musée de la Marine et le musée de l’homme) et il fallait sortir de la première pour continuer sa visite.
La structure d’origine est toujours visible dans l’actuel musée des Monuments français, côté avenue d’Iéna, avec sa longue voûte en verrière et métal. Côté Seine, la galerie est une addition faite entre 1935 et 1937. Autrefois ouverte, elle a été fermée pour limiter les rencontres galantes et tarifées….

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A suivre….