Laure Albin Guillot (1879-1932). Photographe.

Laure Albin Guillot

Eileen Gray (1878-1976). Décoratrice et architecte.

Eileen Gray

Vous connaissez peut-être la seconde, sans doute pas la première.  Pourquoi les associer?
Elles sont nées en même temps, ont traversé les mêmes époques, ont toutes les deux eu une oeuvre très connue et très prolifique dans les années 1920 et 1930 et sont toutes les deux parisiennes -d’adoption pour Eileen Gray.
Toutes les deux sont exposées en ce moment à Paris. Laure Albin Guillot au musée du Jeu de Paume (l’exposition se termine ce dimanche), Eileen Gray au Centre Pompidou jusqu’au 20 mai.

Laure Meifredy est née à Paris en 1879. Après son mariage avec le docteur Albin Guillot, son nom d’épouse devient son nom d’artiste : Laure Albin Guillot. Dès 1922, elle publie des photographies de mode dans Vogue, tandis qu’elle ouvre son studio photo chez elle où elle réalise de nombreux portraits d’artistes, comme de gens du quartier. Elle ne se limite pas à la mode ou aux portraits classiques. Pour l’Exposition internationale des arts industriels et modernes de 1925 à Paris, elle réalise des portraits de décorateurs et d’artisans d’art. Elle fait incruster certaines de ses photos dans des panneaux en laque, rejoignant ainsi le travail que fait à la même époque Eileen Gray sur la laque pour des objets et des meubles.
Deux livres la rendent célèbre. Tous les deux sont originaux et de sujets inédits à l’époque.

En 1931, « Micrographie décorative » présente des photos de plantes vues au microscope et utilisables comme éléments décoratifs. En 1933, « Photographie publicitaire » fait écho aux nombreuses photographies pour des campagnes publicitaires de médicaments, produits de beauté, bijoux et montres mais aussi pour du lait.

Laure Albin Guillot. Publicité pour la pommade-vaccin Salantale vers 1942.
Laure Albin Guillot
Publicité pour la pendule mystérieuse de Jaeger-LeCoultre (mécène de l’exposition). Créée en 1930, la pendule a un mécanisme invisible, ce que met en avant la publicité.

Son oeuvre personnelle comporte des études de nus, féminins comme masculins.

Laure Albin Guillot


A partir de 1936, elle contribue à l’illustration d’éditions de luxe de poèmes de Paul Valéry (le Narcisse) ou de Pierre Louÿs (Bilitis) comme de livres variés (livres pour enfants, romans, manuels scolaires).

Laure Albin Guillot. Edition de luxe de « Douze chansons de Bilitis » de Pierre Louÿs, 1937


La période de la Seconde guerre mondiale et de l’Occupation ne freine pas ses activités qu’elle n’arrête qu’en 1956 à 77 ans. Son mari mort en 1929, elle ne s’est jamais remariée ni n’a eu d’enfants.
Parallèlement à ses activités artistiques, elle a occupé des postes importants: directrice des archives photographiques de la direction générale des Beaux-Arts en 1932, directrice de la Cinémathèque nationale en 1933, commissaire de l’exposition « Femmes artistes d’Europe » pour l’exposition Internationale de 1937, membre de la société française de photographie.
L’exposition du musée du Jeu de Paume ne rend qu’un hommage partiel- et quelque peu décevant- à l’oeuvre de Laure Albin Guillot, malgré les 52 000 négatifs et 20 000 épreuves qui proviennent de son fonds d’atelier, et après avoir été acquis par l’agence Roger-Viollet en 1964, appartiennent aujourd’hui à la Ville de Paris.

En contraste, l’exposition consacrée à Eileen Gray au Centre Pompidou est passionnante.
Eileen Gray, née en Irlande en 1878, arrive à Paris en 1902 et n’en partira plus après avoir acheté en 1906 un appartement rue Bonaparte où elle vivra toute sa vie. Entre 1906 et 1920 elle s’initie au travail de la laque, avec l’artisan japonais Sugawara et réalise plusieurs meubles et objets.

Eileen Gray. Fauteuil Sirène 1919.

En 1922, elle ouvre la galerie Jean Désert rue du Faubourg Saint-Honoré. Elle a découvert le tissage et réalise des tapis tout en travaillant sur le métal, le verre, le cuir et le liège ce qui l’amène à concevoir des aménagements de pièces entières.

Eileen Gray

En 1926, associée à l’architecte roumain Jean Badovici, elle conçoit pour lui, homme sportif et sociable, la villa E 1027 près de Roquebrune-Cap-Martin. Des films présentés dans l’exposition permettent de voir la villa à l’époque et aujourd’hui (cette page en anglais présente l’histoire de la villa et son -triste- aspect actuel).

Eileen Gray. Villa E1027 dite Villa Roquebrune.

 Après la conception d’une seconde villa destinée à elle-même, nommée Tempe a Pailla (« le temps de bailler »), dans les hauteurs de Menton (ce site offre de nombreuses images du travail d’Eileen Gray), sa production ralentit.
L’exposition montre un aspect moins connu de son travail: ses peintures et collages. On la voit filmée à la fin de sa vie, elle a alors 96 ou 97 ans, elle ne sait plus elle-même, mais sait parfaitement parler de son travail!