Si vous avez la gueule de bois ce premier janvier, que vous ayiez trop fait la fête la veille, ou, au contraire, que vous l’ayiez passée seul(e), voici de quoi passer le temps : un film épique de plus de deux heures.
Après avoir écouté l’avis de Kid Loki, celui au large sourire, je n’irai pas voir ce troisième opus, n’ayant gardé aucun, mais aucun, souvenir du deuxième et n’ayant que moyennement apprécié le premier. Comme je l’ai déjà fait, je laisse donc la place (mais les ressources iconographiques ont été insérées par moi) à mon critique attitré, parfois cuistre, parfois obscur dans les circonvolutions de ses associations d’idées, s’adressant souvent aux fans de son genre et toujours passionné, pour   décortiquer les films inspirés de comics (Les Gardiens de la Galaxie, Captain America), d’heroics fantasies et autres récits épiques (Interstellar).
Looongue critique, comme d’habitude, on prend son souffle et on se lance!
Bon début d’année en compagnie des Hobbits, des nains et autres créatures Tolkio-Jacksionniennes!
Saviez-vous que Tolkien avait fait lui-même des illustrations pour son Hobbit?

Dessin de Tolkien

 « Lasciate ogne speranza, voi ch’intrate« , ou « Abandonnez toute espérance, vous qui entrez ici« . Voilà comment je résumerai ce film. Même si je dois reconnaître ceci à Dante : sa Divine Comédie est plus impressionnante.
Oui! Le Hobbit : la Bataille des Cinq Armées est une déception. Ou plutôt,

le serait s’il n’y avait pas eu le film précédent pour se charger de remplir ce rôle à sa place. Je ne vais pas m’étendre dessus parce que ce n’est pas le sujet, même si je dois bien avouer que La Désolation de Smaug, le deuxième volet de l’adaptation cinématographique de Bilbo le Hobbit (The Hobbit dans la langue de son auteur, J. R. R. Tolkien), a été une déception après le premier. Il introduit des personnages n’existant pas dans le livre pour rajouter des intrigues secondaires, ne répondant, à mon sens, qu’à un impératif hollywoodien.
En soi, l’expérience fut salutaire, car Peter Jackson avait prévenu que le volet final ne serait pas une adaptation du livre, au mieux une interprétation, contrairement à ce qu’Un Voyage Inattendu, le premier volet, aurait pu laisser penser, ou à la trilogie cinématographique du Seigneur des Anneaux.

Si la plupart des éléments narratifs sont là, sous une forme ou une autre, tout comme les personnages présents dans le livre, le film s’éloigne encore plus de l’oeuvre d’origine. Et avant de continuer, je vais faire mon fanboy de Tolkien rageux : trois films, c’est trop ! Ça donne un deuxième film inégal parce qu’on se contente de promettre des choses résolues en début de troisième film, ce qui force à mettre l’accent sur des choses dont les enjeux ne sont pas établis, et donc dont l’impact est moindre, et surtout des introductions inutiles de personnages pas présents dans l’oeuvre. Oui, c’est vous que je regarde, Tauriel et Legolas…

L’équilibre du film est assez bancal : après un début in medias res, avec la destruction de Lacville par Smaug et sa mort subséquente (différente de ce qui avait été sous-entendu), puis la confrontation entre le Conseil Blanc et les êtres qui hantent Dol Guldur, deux passages absolument bluffants, même si j’ai quelques reproches à faire à l’abus d’effets spéciaux dans le premier cas, la tension retombe. S’ensuit la tentative de construire une nouvelle tension sur la base de la Bataille promise, en laissant en partie de côté ce qui faisait le charme de cette partie dans le livre, à savoir la vision des évènements par Bilbo, éclipsé dans ce film (à qui, pourtant, le titre fait directement référence!) par Thörin Écu-de-Chêne (joué par Richard Armitage), maintenant Roi sous la Montagne.

Thörin Ecu de Chêne (Richard Armitage)

Cette focalisation paraît un peu artificielle, le personnage n’ayant pas été plus détaillé dans les précédents films, de manière assez logique. Cependant, il faut bien reconnaitre que si le charme n’y est pas, la trame narrative y est, indépendamment des tentatives de construction de tension déjà mentionnées, de toute façon centrées sur les persos qui n’ont rien à faire là à part montrer des paysages impressionnants, il faut bien le reconnaître.

Image Warnerbros uk

La Bataille. Ah, la Bataille… Elle est brouillonne. Si quelques passages sont impressionnants, notamment ceux avec les Nains des Monts de Fer (j’y reviendrai d’ailleurs), elle n’est pas vraiment montrée, la caméra s’attardant plutôt sur les actions des personnages nommés, comme Bard, Bilbo, Thranduil, Daïn Pied-de-Fer, ou encore les membres de la Compagnie de Thörin. Le vocable utilisé n’est d’ailleurs pas choisi au hasard : si je parle de personnages nommés, c’est parce que j’ai eu l’impression de regarder un jeu vidéo. Tour à tour jeu de stratégie type Total War, ou bien encore hack’n slash, quand ce n’est pas carrément un Soul Calibur à QTEs, cette partie du film, qui en constitue bien un gros tiers, ne m’a pas convaincu. C’est peut-être parce que je savais ce qui allait se passer, ayant lu le livre, mais je suis resté de marbre devant les retournements de situation. Et surtout devant les tentatives de créer un héros à partir de Bard, personnage somme toute très secondaire dans le livre. C’est le même problème avec les nains, comme je l’évoquais en parlant de Thörin. Ce dernier est de loin le plus détaillé dans le livre, et il ne l’est déjà pas beaucoup. Pour être franc, passé Bilbo, personne ne l’est vraiment. Il faut pour ça se tourner vers les Contes et Légendes Inachevés… Mais trêve de digression. Les nains, donc. Ou plutôt Fili, Kili et Thörin, les autres étant toujours en retrait, à part peut-être Balïn et Dwalïn. Et quand je dis en retrait, c’est au mieux une réplique, quand ce n’est pas un mutisme brisé uniquement par des éclats de rire, des grognements ou des paroles indistinctes. Alors quand il s’agit d’émouvoir le spectateur sur ce qui arrive aux nains, et bien ça ne fonctionne pas. Parce qu’il ne les connaît pas. Avant ce film, avant la nécessité de meubler, les nains n’ont pas été détaillés. Comme Tauriel, personnage créé pour les besoins du film, et pour lequel on ne peut ressentir d’empathie.

Mais trêve également de récriminations. Passons à l’aspect visuel. Comme je l’ai dit, je reproche au début son aspect artificiel et à la Bataille d’être brouillonne. Mais passés ces deux points, la prouesse graphique est là. Dale est impressionnante de vétusté, comme le palais d’Erebor l’est de richesse ruinée, ou les Montagnes d’hostilités.
Les créatures sont bien faites, les petits détails récompensant le spectateur attentif (ou blasé qui n’a rien d’autre à faire que de regarder ça), comme les costumes. Mention spéciale d’ailleurs pour les armures portées par les nains de la Compagnie de Thörin et non réutilisées pendant la Bataille pour une raison quelconque.
Pour s’attarder un peu plus sur les Nains des Monts de Fer et les Elfes de Mirkwood, je dois dire avoir été bluffé. On sait que Peter Jackson avait insisté durant la réalisation du Seigneur des Anneaux pour que chaque culture ait un style visuel bien distinct, et on avait déjà pu voir qu’il continuait dans cette lancée dans les deux premiers volets du Hobbit. Mais là, je suis resté en admiration devant les armures des Elfes et celles des Nains, sans parler de celles propres à Thranduil et à Daïn.
Parler de ces derniers m’amène d’ailleurs à évoquer un autre point : celui des choix de mise en scène. S’il y a bien un abandon définitif de l’aspect léger du récit depuis le deuxième film, celui-ci subsiste encore en arrière-plan (ce qui peut expliquer aussi les problèmes narratifs évoqués plus haut), et transparaît plusieurs fois, notamment avec la monture de Thranduil, ou le personnage de Daïn, qui m’a fait penser à une réflexion entendue à propos des Nains dans la culture geek : soit ils suivent le modèle Gimli, soit ils suivent le modèle écossais. Je suppose que le voir en VO a contribué à ce que je me souvienne de ça…

On peut aussi noter que Bilbo apporte toujours un certain décalage, ne serait-ce qu’à travers son phrasé et son élocution, plus naturels, ou encore parce que les musiques épiques semblent s’interrompre lorsqu’il parle. Sans parler des scènes finales. Je ne mentionnerai pas l’élément comique du film, parfaitement publiable et dispensable, tout en étant embarrassant d’exagération.Et puisqu’on parle de musique… J’avais déjà remarqué avec le précédent film qu’il y a assez peu de musiques qui ne reprennent pas celles du premier film, ou les quelques morceaux originaux du deuxième, alors que pour la trilogie du Seigneur des Anneaux Howard Shore avait réussi à composer pour chacun des trois films des musiques nouvelles, différentes de celles des opus précédents. Mais peut-être est-ce lié au fait que les trois films ne sont en fait qu’un même matériau trop étiré ? Qui sait.
En revanche, la bande sonore dans son ensemble, la gestion de la musique, des sons, des voix et des effets sonores qui leur sont appliqués est véritablement intéressante, à défaut d’être originale.

Que dire de plus ? Rien, sans doute, à part répéter que ce film n’est pas une adaptation de Bilbo le Hobbit, tout au plus une interprétation, une fanfiction à gros budget. Il m’est quasiment impossible d’en parler sans me référer à l’oeuvre d’origine, et justement parce que les défauts du film viennent des tentatives de prendre ses distances avec elle – en introduisant Tauriel ou Alfric, en utilisant Azog et Legolas, absents de l’oeuvre d’origine ou en créant de toutes pièces des créatures (parce que oui, les Vers des Sables n’existent pas dans l’univers du Seigneur des Anneaux, comme les bouquetins de guerre qui sortent de nulle part !).
Peter Jackson et les scénaristes n’ont réussi qu’à rendre le film confus et à attirer l’attention sur ses défauts. Ce qui est dommage, au vu du potentiel qui reste inexploité.

Le Hobbit : la Bataille des Cinq Armées n’est pas un mauvais film. Il est tout cas meilleur que son prédécesseur. Mais il reste moins bien que le premier volet, sans parler de la trilogie du Seigneur des Anneaux.
De manière générale, d’ailleurs, le défaut de cette trilogie vient peut-être de la volonté de la lier à tout prix, et de manière parfois outrée et artificielle à la première trilogie.

Pour ma part, j’ai lu Bilbo le Hobbit, à sa sortie en France en 1969, dans cette édition reliée grand format que j’ai toujours.