Emily St. John Mandel est une auteur canadienne anglophone encore toute jeune (42 ans) qui a déjà écrit 6 livres, des recueils de nouvelles et reçu plusieurs prix prestigieux. C’est une collègue canadienne qui, en plein confinement, m’avait recommandé Station Eleven, paru en 2014. Il se trouve que ce livre traite d’une époque post-apocalyptique, quasi toute l’humanité ayant été détruite par un virus. C’est précisément le choix de ce sujet, et comme le fait remarquer l’auteure, ce n’est pas si original que ça, des épidémies ont sévi à de nombreuses reprises (la peste, la grippe espagnole, la tuberculose, la variole..) au long des siècles, qui est à l’origine de l’immense succès du livre quelques années plus tard. Alors que le monde se confinait, des critiques et des lecteurs ont exhumé ce livre qui avait obtenu en 2015 le prix Arthur C. Clarke, du nom du grand auteur de science-fiction, et le succès fut immense. Plus de 1,5 millions de livres vendus, une adaptation en mini-série et la gloire pour la jeune romancière. Dans une interview, la romancière dit que le point de départ du livre n’était pas une histoire post-apocalyptique mais la vie d’une troupe de théâtre itinérante (qui occupe une partie de l’intrigue mais il y a bien d’autres histoires croisées) ainsi que le souhait de ne pas rester dans la littérature policière comme pour ses trois premiers livres.

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Je viens de lire L’hôtel de verre, sorti en 2020 au Canada (The Glass Hotel). On y retrouve deux personnages évoqués dans Station Eleven qui se passe plus tard. C’est un procédé qu’utilise souvent Kate Atkinson, romancière anglaise que j’adore et qu’il faut lire. Atkinson fait passer, parfois fugitivement dans un livre, des personnages qui étaient des personnages principaux dans d’autres.

Le point de départ de L’hôtel de verre, un hôtel bâti sur une île isolée, est une pyramide de Ponzi (pensez à l’affaire Madoff pour imaginer cette escroquerie consistant à payer des rendements à vos clients grâce à l’apport de nouveaux clients). Mais le livre ne commence pas du tout par ça. Et l’escroquerie arrive assez tardivement dans le récit. Différents personnages se croisent, certains se sont construits une identité de toute pièce, d’autres ont du mal à trouver leur place. Au fur et à mesure du récit et que les choses se délitent pour tous, une « contrevie », vie imaginaire, se met en place pour les personnages les plus atteints par les évènements. D’autres voient des fantômes bien présents dans leur vie et qui seront cause de drames.
C’est un beau livre, sur l’identité mouvante, sur les tentatives d’échapper au réel, et sur l’indifférence d’un escroc à la souffrance des autres -même si ce n’est pas le sujet principal.
Ce qui caractérise l’oeuvre d’Emily Mandel, c’est son habileté à imbriquer des vies très différentes, des périodes  et à créer un profond dépaysement. Une auteure originale qui renouvelle les sujets classiques par une écriture passionnante (on voit qu’elle vient du polar) et une structure de récit qui accroche le lecteur.

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